Qu'est-ce qu'un adénome de l'hypophyse ?

L'adénome hypophysaire est une tumeur bénigne, non-cancéreuse, dont l'origine est la partie antérieure de l’hypophyse. Il s'agit de la tumeur la plus fréquente de la région hypophysaire.

Qu'est-ce que l'hypophyse ?

L'hypophyse est une glande endocrine de 10 mm environ, située à la base du cerveau et logée dans une enclave osseuse du crâne appelée la selle turcique.

L'hypophyse agit sous la commande de l’hypothalamus, auquel il est relié par la tige hypophysaire. Cette glande est responsable de la production de nombreuses hormones qui agissent sur différentes glandes endocrines du corps. Il existe plusieurs types d'adénomes hypophysaires. 

Les adénomes sécrétants ou fonctionnels

Ils entraînent une sécrétion excessive d'hormones dans le corps. 

  • L'adénome à prolactine (PRL), responsables notamment de la lactation, agit sur les cellules lactotropes. Le prolactinome est l'adénome le plus fréquent.
  • L'adénome somatotrope est responsable d'une sécrétion excessive de l'hormone de croissance (GH). "Certains adénomes sécrètent à la fois de la prolactine et de l'hormone de croissance", précise le Pr. Emmanuel Jouanneau.
  • L'adénome corticotrope concerne les cellules responsables de la sécrétion de l'hormone adrénocorticotrope (ACTH). Elle agit sur les glandes surrénales en stimulant leur production de cortisol qui a des fonctions primordiales sur le métabolisme.
  • L'adénome thyréotrope représente moins de 1 % des adénomes hypophysaires. Il concerne les cellules de l'hypophyse responsables de la production de TSH, qui stimulent ensuite la thyroïde.

Les adénomes non-secrétants ou non-fonctionnels

Sans hypersécrétion hormonale, ces adénomes se révèlent par un syndrome tumoral, c'est-à-dire des maux de tête, une compression des nerfs optiques, des troubles de la vue. 

  • Les adénomes gonadotropes concernent les cellules qui sécrètent les précurseurs des hormones sexuels (FSH – LH).
  • Les adénomes "silencieux" : "l’analyse montre des cellules à prolactine, à GH ou ACTH mais les hormones ne sont pas matures et il n’y a pas de tableau spécifique", développe notre expert. 

La quasi-totalité des adénomes sont des tumeurs bénignes, mais certains peuvent être atypiques, agressifs ou des carcinomes de l'hypophyse. Ils résistent au traitement, récidivent et peuvent provoquer des métastases dans le cas du carcinome.

Photo : schéma du système hypophysaire (pituatary gland en anglais) 

Les adénomes non-secrétants ou non-fonctionnels© Creative Commons

OpenStax College / CC BY (https://creativecommons.org/licenses/by/3.0)

Les adénomes hypophysaires sont-ils fréquents ? 

"Les adénomes hypophysaires représentent entre 10 et 20 % des tumeurs intracrâniennes de l'adulte. Ces tumeurs ont une prévalence de 78 à 94/100 000 habitants et une incidence de 4/100 000 habitants", selon Adénomes hypophysaires, un article extrait de l'Encyclopédie neurochirurgicale, publié en février 2015 et co-écrit par le Pr. Emmanuel Jouanneau.

Selon cette même source : 

  • l'adénome à prolactine représente 60 % des adénomes de l'hypophyse, 
  • l'adénome somatotrope de l'hormone de croissance concerne 13 % des cas
  • l'adénome corticotrope 6 % des cas, 
  • l'adénome thyréotrope représente moins de 1 % des cas.

Il existe des adénomes qui sécrètent à la fois de la prolactine et de l’hormone de croissance.

Les adénomes fonctionnels sont les plus fréquents. Les non-fonctionnels représentent 30 % environ des adénomes de l'hypophyse, toujours selon l'article de l'Encyclopédie neurochirurgicale.

Extrêmement rare, le carcinome de l'hypophyse ne représente que 0,2 % des tumeurs de l'hypophyse.

Quels sont les symptômes d'un adénome de l'hypophyse ?

Les adénomes non-fonctionnels

Ces adénomes ne présentent pas de signes cliniques et se révèlent le plus souvent par les symptômes du syndrome tumoral : céphalées, rétrécissement du champ visuel, baisse de la vue.

Ils peuvent être à l'origine d'un syndrome d'insuffisance hormonal dont les symptômes seront, en fonction de l'hormone concernée et de l'âge du patient :

  • extrême fatigue,
  • pâleur,
  • troubles sexuels,
  • prise de poids,
  • dépression.

Les adénomes fonctionnels 

Le prolactinome 

"Chez les femmes, le tableau est classique, il s'agit d'un petit adénome qui va mener à un excès de prolactine, ce qui provoque l'arrêt des règles et un écoulement mammaire lactée", précise le Pr. Emmanuel Jouanneau. Il s'agit du syndrome aménorrhée-galactorrhée.

Chez l'homme, on ne trouve évidemment pas de symptômes précoces liés au syndrome aménorrhée-galactorrhée et le tableau est très différent. "L'excès de prolactine provoque des impuissances. Il s'agit par ailleurs de tumeurs plus grosses et plus invasives qui se révèlent vers 40 – 50 ans", ajoute le neurochirurgien. Le patient peut parfois présenter un syndrome tumoral, conséquence de la taille importante de la tumeur.

Adénome à hormone de croissance ou adénome somatotrope

Cette tumeur est responsable de l'acromégalie, une maladie qui entraîne un syndrome dysmorphique (augmentation de la taille des pieds et des mains, des pommettes, des arcades sourcilières, élargissement du nez, prognathisme). 

Autres symptômes : 

  • diabète,
  • atteinte cardiaque,
  • hypertension artérielle,
  • sueurs nocturnes abondantes et malodorantes,
  • syndrome du canal carpien,
  • céphalées,
  • apnées du sommeil,
  • syndrome dépressif et très grande fatigue.

Adénome corticotrope 

L'hypersécrétion de cortisol est à l'origine de la maladie de Cuching. Celle-ci engendre un trouble de la répartition des graisses, concentrées sur la face, l'abdomen et la base de la nuque. Les patients présentent également une amyotrophie et des signes cutanés comme de larges vergetures, une peau rougie, très affinée. 

Autres symptômes : 

  • hypertension artérielle,
  • immunodépression sévère,
  • diabète,
  • ostéoporose,
  • syndrome dépressif.

Adénome thyréotrope

  • irritabilité,
  • sensation de chaleur,
  • perte de poids,
  • troubles cardiovasculaires : hypertension, accélération du rythme cardiaque,
  • apparition d'un goitre chez un quart des malades,
  • syndrome tumoral dans certains cas,
  • aménorrhée dans certains cas.

Causes des adénomes de l'hypophyse 

Certaines maladies provoquent des adénomes à caractère héréditaire comme la néoplasie endocrinienne multiple de type 1 ou une mutation du gène AIP. "La recherche se fera dans un contexte familial, systématiquement lors d’adénome chez le sujet très jeune notamment lors d’acromégalie chez un sujet de moins 40 ans. Toutefois, c'est extrêmement rare", précise Emmanuel Jouanneau.

Aucune autre cause n'est connue dans l'adénome de l'hypophyse.

Facteurs de risque

"On sait qu'il y a un terrain génétique prédisposant, mais on n'a pas encore identifié de facteurs déclenchants. En dehors de contextes familiaux, il n'y a pas de facteur identifié comme le tabac avec le cancer du poumon", explique le neurochirurgien.

Personnes à risques 

En conséquence, les seuls sujets à risques identifiés sont les personnes souffrant d'une néoplasie endocrinienne multiple de type 1.

Durée 

Pour la plupart d'entre eux, les adénomes de l'hypophyse se développent très lentement. Si pour l'adénome prolactine chez la femme, l'arrêt des règles et l'écoulement mammaire peuvent conduire à poser un diagnostic rapide, concernant les adénomes responsables de la maladie de Cushing ou de l'acromégalie, cela peut être beaucoup plus long.

Le diagnostic est généralement posé sur les changements morphologiques qui peuvent évoluer durant des années avant d'être visibles. "Dans le cas de l'adénome de l'hormone de croissance, la maladie peut avoir débuté 10 ans auparavant", affirme Emmanuel Jouanneau.

La durée de la maladie est très variable en fonction du traitement, de quelques semaines à plusieurs années. "Et nous parlons plus de rémission que de guérison, car les personnes qui ont développé un adénome de l'hypophyse sont suivies toute leur vie", ajoute le spécialiste. En effet, soit l'adénome n'a pas totalement disparu malgré le traitement, soit le risque de récidive est bien réel.

Risque de contagion 

Les adénomes de l'hypophyse ne présentent pas de caractère contagieux.

Qui, quand consulter ? 

Pour le prolactinome chez la femme, l'arrêt des règles et l'écoulement mammaire doivent la pousser à consulter son médecin généraliste ou un gynécologue.

Adénomes fonctionnels

"Dans le cas des adénomes sécrétants, les manifestations physiques ou des symptômes qui ne devraient pas exister chez le sujet jeune doivent pousser à consulter son médecin. Le patient peut souffrir du syndrome de l'apnée du sommeil, de sueurs extrêmement importantes et nocturnes ou d'un syndrome du canal-carpien qui n'est pas normal chez une personne jeune. Ce sont parfois ces symptômes atypiques qui amènent au diagnostic", précise Emmanuel Jouanneau.

Adénomes non-fonctionnels 

Concernant les adénomes non-fonctionnels, c'est le plus souvent le syndrome tumoral qui poussera le patient à consulter. "Si la vue commence à baisser ou que le champ visuel se rétrécit, le médecin traitant demandera un examen ophtalmique", commente notre expert. "Ce ne sont pas des maladies faciles à diagnostiquer, car l'adénome n'est pas une maladie fréquente", poursuit le spécialiste.

Quand l'adénome de l'hypophyse est le diagnostic confirmé ou privilégié, le patient sera reçu en consultation par un endocrinologue et un neurochirurgien.

Examens et analyses 

  • Bilan endocrinien 

Il permettra d'obtenir le dosage des hormones hypophysaires et périphériques. Il peut être demandé par le médecin traitant. Ce bilan peut révéler une hypersécrétion ou au contraire une hyposécrétion hormonale.

  • IRM

L'exploration de l'hypophyse par une IRM cérébrale permet de savoir où se situe l'adénome et d'en définir les contours.

  • Bilan neurophtalmique

On procédera à cet examen si le patient se plaint de troubles visuels ou si l’IRM montre une compression du chiasma (zone du cerveau où les deux nerfs optiques se croisent). 

L'ordre des examens dépend de ce qui pousse le patient à consulter son médecin, un syndrome endocrinien ou un syndrome tumoral.

Le cas particulier de la maladie de Cushing

L'adénome corticotrope est une tumeur souvent extrêmement petite qui ne se verra pas à l'IRM car inférieure à 3 mm. Le diagnostic est d'autant plus difficile à poser que l'excès de corticoïdes dans le corps peut être dû à un adénome de l'hypophyse mais aussi à un dysfonctionnement des glandes surrénales ou encore à un syndrome paranéoplasique qui accompagne certains cancers.

Pour définir si l'excès de cortisol vient bien de l'hypophyse, lorsque la tumeur n’est pas visible sur l’IRM, le spécialiste demandera un cathétérisme des sinus pétreux, qui permettra de doser l'ACTH au plus près de l'hypophyse.

Si le dosage est anormal, alors il s'agira bien d'un adénome corticotrope. Le neurochirurgien peut alors proposer une exploration de l'hypophyse pour essayer de trouver la tumeur. "On parvient à trouver des tumeurs de 2 millimètres", précise le Pr. Jouanneau.

Les complications des adénomes de l'hypophyse 

L'adénome de l'hypophyse est une tumeur bénigne, ce n'est pas un cancer qui se propage de cellules en cellules. Toutefois, on peut mourir des symptômes de l'acromégalie et de la maladie de Cushing : les troubles cardiovasculaires, le diabète, l'apnée du sommeil pour l'acromégalie ou l'immunodépression dans le cas de la maladie de Cushing.

"Pour les malades non-traités, l'espérance de vie est réduite. Avec les traitements, l'espérance de vie des patients redevient celle de la population générale", affirme Emmanuel Jouanneau.

Quels sont les traitements de l'adénome de l'hypophyse ?

Il existe trois traitements possibles : médical, chirurgical ou par radiothérapie.

Zoom sur la chirurgie de l'hypophyse 

La chirurgie de l'hypophyse est délicate, car de chaque côté se trouve la loge caverneuse où passent notamment l'artère carotide interne, les nerfs de la sensibilité de la face et les nerfs de la mobilité de l'œil.

99 % des chirurgies de l'adénome de l'hypophyse se déroulent par le nez (endonasal), avec un équipement endoscopique. L'intervention se déroule par voie crânienne seulement si la tumeur est vraiment trop grosse. Que la tumeur ait été ou non enlevée dans sa totalité, ces patients sont suivis pratiquement toute leur vie et voient le spécialiste une fois par an. Si la totalité de l'adénome n'a pas pu être retirée et qu'il reste un résidu évolutif, alors il pourra être proposé au patient des séances de radiothérapie.

"Quand l'adénome sécrétant a envahi cette loge caverneuse, nous savons qu'on ne pourra pas guérir totalement les gens. Donc, cela ne sert à rien de prendre le risque d'endommager l'artère carotide interne, d'abîmer le nerf optique ou de provoquer des plaies vasculaires...", détaille le Pr. Jouanneau, "sauf dans les cas d’adénome à GH ou à ACTH qui compriment les nerfs des yeux".

"La réussite est dictée par l'anatomie de la tumeur. Soit la tumeur est circonscrite dans la selle turcique et on peut l'enlever, soit la tumeur n'est pas circonscrite et on ne pourra jamais l'enlever complètement", pose l'expert. Il est alors préconisé un traitement médical, très efficace notamment pour les adénomes à prolactine. En revanche, le médicament ne guérit pas les patients et le traitement est souvent à vie.

Comment s'assurer d'une bonne prise en charge médicale ? 

Les conseils du Pr. Emmanuel Jouanneau :

"La prise en charge des adénomes de l'hypophyse ne doit être réalisée que dans des centres spécialisés. Le taux de réussite de l’exérèse de la tumeur, le taux de guérison et le taux de complications durant l'opération sont corrélés à l'expérience du chirurgien. C'est pourquoi, il a été créésdes centres dédiés à la région de l'hypophyse pour bénéficier de l'expertise en plus du neurochirurgien, d'endocrinologues pointus sur ces maladies peu fréquentes comme l'expertise du Pr. Gérald Raverot dans notre service. Quand les hôpitaux traitent un seul adénome par an, les résultats ne sont pas les mêmes que quand on traite 150 cas. En France, il existe seulement trois centres qui pratiquent plus de cent chirurgies hypophysaires par an : Paris, Lyon et Marseille. D'autres centres comme Lille et Bordeaux ont un niveau d'expertise important avec 80 à 90 chirurgies par an".

Adénomes non-fonctionnels

N'est efficace que la chirurgie puis les rayons s'il persiste un résidu tumoral qui reste dangereux ou évolutifs.

Adénomes fonctionnels

Prolactinome

Le traitement peut être médical ou chirurgical si l'adénome est bien centré dans la selle turcique et n'a pas envahi la loge caverneuse. Toutefois, chez l'homme, il s'agit dans la grande majorité des cas d'un macroadénome, une grosse tumeur qui a envahi la loge caverneuse, et qui ne pourra pas être opérée.

En cas de traitement médical, les agonistes dopaminergiques sont efficaces dans près de 95 % des cas. Ils diminuent la sécrétion de prolactine et amoindrissent la tumeur.

Adénome de l'hormone de croissance

"Quand on peut enlever la tumeur, alors il faut le faire parce que c'est le seul moyen de guérir les gens", appuie le Pr. Emmanuel Jouanneau. Toutefois, les chances de réussite vont dépendre de la taille de la tumeur et de son degré d'invasion dans la loge caverneuse. Si la tumeur n'a pas pu être totalement retirée, "les traitements médicaux les plus efficaces sont les analogues de la somatostatine", qu'il faudra prendre à vie.

Un patient jeune, dont l'adénome est bien équilibré avec les médicaments, peut se voir proposer une radiothérapie afin de détruire la tumeur grâce aux rayons. Les effets de la thérapie ne seront visibles qu'après 5 ans.

Adénome corticotrope

Comme expliqué plus haut, cette tumeur est difficile à voir à l'IRM en raison de sa très petite taille. Pour l'heure, le seul traitement efficace est pourtant chirurgical. "Il y a bien un médicament qu'on essaie contre cette tumeur, mais il est à l'origine de diabète", complète Emmanuel Jouanneau. Pour cet adénome, il est possible que le patient subisse une opération alors même que la tumeur n'a pas été clairement identifiée. "C'est un cas exceptionnel en médecine : on opère quelqu'un en pensant qu'il y a une tumeur, mais sans savoir exactement où elle se trouve !"

Le patient peut également prendre des médicaments, des anticortisoliques, qui éteignent l'action les glandes surrénales, qui elles-mêmes agissent sous la commande de l'ACTH sécrétés par l'hypophyse. On peut également lui proposer une ablation des surrénales. Dans ces deux cas, la personne n'est pas guérie mais le problème de l'hypersécrétion de cortisol est pris en charge. Le sujet se verra alors prescrire une supplémentation en hormone de synthèse.

Adénome thyréotrope

La chirurgie sera le traitement préconisé avant tout sur ce type de tumeur, avec de la radiothérapie si celle-ci n'a pas pu être totalement retirée. Malgré l'intervention, il faut également traiter médicalement certains malades. Dans ce cas, les agonistes dopaminergiques s'avèrent être les plus efficaces.

Prévention

Il n'existe pas de prévention contre les adénomes de l'hypophyse.

Sites d'informations et associations 

Associations 

Sources

Adénomes Hypophysaires, L'Encyclopédie chirurgicale, février 2015, E. Jouanneau, G. Raverot, A. Vasiljevic, V. Favrel, V. Lapras, T. Jacquesson, M. Berhouma, G. Brassier, P.-L. Henaux.