Ces influenceurs qui travaillent avec les laboratoiresAdobe Stock
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Une vidéo simple, face caméra. Une influenceuse que vous suivez depuis quelques mois tient comme à son habitude son journal de bord, qu’elle poste sur Instagram quasi-quotidiennement. Sa particularité ? Cette star des réseaux est malade chronique, et son compte Instagram lui sert à informer le grand public, voire à donner des conseils aux personnes qui pourraient souffrir de la même pathologie.

Des “micro influenceurs” proches de leurs abonnés pour une pub plus efficace

Ce que vous aimez chez elle, c’est son naturel et son apparente proximité. Pourtant, aujourd’hui, sa vidéo vous semble un peu étrange. Cette influenceuse conseille à ses abonnés de prendre un médicament, non remboursé. Du moins, elle en vante les mérites. Serait-elle rémunérée ? Il y a bien des chances.

D’après une étude parue dans la revue The Journal of Medical Internet Research le 13 mars 2023, les “patients influenceurs” ont pour habitude de conseiller ouvertement certains médicaments, en collaboration étroite avec des laboratoires pharmaceutiques. Pour arriver à cette conclusion, des chercheurs de l’Université de Colorado Boulder ont analysé 26 interviews qu’ils ont conduites avec certains de ces influenceurs malades chroniques.

Ces entretiens, faits sur Zoom, ont duré une heure chacun. Les personnes interrogées souffraient de fibromyalgie, de la maladie de Parkinson, du Sida, de migraines chroniques, d'asthme… Sur 26 personnes, 18 entretenaient des liens avec des laboratoires pharmaceutiques. La plupart avaient entre 1000 et 40 000 followers, beaucoup étaient donc rangés dans la catégorie des “micro influenceurs”. Et ce sont justement ceux-ci qui ont le plus d’influence sur la consommation de leurs abonnés, du fait de leur proximité.

Ozempic : l’exemple type du médicament conseillé par les influenceurs

“Ce qu’il faut retenir, c’est que les patients influenceurs font de la publicité directe vers le consommateur en partageant leurs connaissances et leur expérience de certains médicaments avec leur communauté d’abonnés, sur qui ils ont une influence majeure. D’où des questionnements en termes d'éthique, qui nécessitent plus de recherches sur le sujet”, résume l’autrice principale de l’étude, la professeure en sciences de la communication Erin Willis.

Cette étude est publiée en pleine polémique sur l’Ozempic, traitement pensé pour les personnes souffrant de diabète de type 2 (DT2) aujourd’hui vantée pour la perte de poids rapide qu’il permet. L’Ozempic aurait, selon la rumeur, permis à Kim Kardashian et à sa sœur Khloé de perdre plusieurs kilos en très peu de temps, et il aurait également permis à des stars comme Lady Gaga ou Mindy Kaling de fondre avant d’arpenter le tapis rouge des Oscars 2023.

Réseaux sociaux : de la publicité pour des médicaments, sans pression

Sur TikTok, ce traitement fait fureur et est conseillé dans de nombreuses vidéos par des jeunes sans compétence scientifique ou médicale : désormais, le mot-clé #Ozempic culmine à plus de 500 millions de vues. D’où des difficultés d’approvisionnement dans plusieurs pays. Par ailleurs, ces “patient influenceurs” omettent bien souvent d’évoquer les effets indésirables de l’Ozempic, comme de violentes diarrhées, des vomissements et des nausées.

Aux États-Unis, il est possible de faire de la publicité pour un médicament. Toutefois, “en France, il est interdit de faire de la publicité auprès du public pour les médicaments remboursables par la Sécurité Sociale, et/ou pour les médicaments inscrits sur une liste de substances vénéneuses. Le seul canal possible d'information concerne le corps médical, notamment les médecins, les pharmaciens, les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes”, indique Leem, l'organisation professionnelle française des entreprises du médicament. Sur TikTok pourtant, les vidéos pro-Ozempic affluent.

Des patients de bonne volonté, mais une sélection biaisée

À savoir : la plupart des personnes interrogées par Erin Willis partagent ce type de vidéos pour sensibiliser, voire pour combattre la stigmatisation de leur maladie. En d’autres termes, leurs intentions sont bonnes. Beaucoup arguent par ailleurs que peu d’informations sur leur pathologie sont disponibles pour le grand public et entendent combler ce vide.

Cependant, la chercheuse indique que les contacts de ces personnes lui ont été fournis par le site spécialisé Health Union, d’où une sélection sûrement biaisée de “patients influenceurs” responsables. Pour elle, d’autres études doivent être menées avec des échantillons bien plus larges et une analyse plus approfondie des répercussions des conseils des influenceurs sur les comportements des consommateurs.

Sources

"Communicating Health Literacy on Prescription Medications on Social Media: In-depth Interviews With “Patient Influencers”", une étude parue dans la revue The Journal of Medical Internet Research le 13 mars 2023.

https://www.jmir.org/2023/1/e41867

"Publicité pour les médicaments : les règles", une publication de Leem.

https://www.leem.org/publicite-pour-les-medicaments-les-regles

mots-clés : réseaux sociaux
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