Que sont les maladies Inflammatoires Chroniques de l’Intestin ?

Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (ou MICI) regroupent la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique. Ces deux maladies se caractérisent par une inflammation de la paroi d’une partie du tube digestif et présentent de nombreuses similitudes. Il existe cependant quelques différences. Dans la maladie de Crohn, l’inflammation peut toucher n’importe quel segment du tube digestif, alors que la rectocolite hémorragique se situe au niveau du rectum et du côlon.

Schémas : répartition de l'atteinte de la Maladie de Crohn (gauche, exemple) et de la colite ulcéreuse /rectocolite hémorragique (droite)

Que sont les maladies Inflammatoires Chroniques de l’Intestin ?© Creative Commons

CC Travail personnel, derivate of File:Patterns of Crohn's Disease.svg by Samir, vectorized by Fvasconcellos — Based on image of comparison between Crohn's_Disease_and_Colitis_ulcerosa Licence : https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/

Les MICI en chiffres

En France, plus de 210 000 personnes seraient touchées, à 48 % par une maladie de Crohn et 52 % par une rectocolite hémorragique.

Journée mondiale des Maladies Inflammatoires Chroniques de l’Intestin : 19 mai 2020

Tous les 19 mai, la Journée mondiale des MICI est une journée de sensibilisation pour faire entendre et connaitre la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique (RCH).

L’EFFCA, fédération européenne des associations de lutte contre les MICI, mène une action de mobilisation européenne et mondiale avec entre autres l'illumination en violet, couleur de lutte contre les MICI, de monuments emblématiques.

2020 aura rendu cette journée particulière, en effet, c'est une chorégraphie qui a été suivi sur les réseaux sociaux avec un vêtement ou accessoire violet, et l’hashtag #WorldIBDDay

Quels sont les symptômes des Maladies Inflammatoires Chroniques de l’Intestin ?

Les symptômes de la maladie inflammatoire chronique de l’intestin sont variables en fonction du segment intestinal touché et selon que la personne présente une maladie de Crohn ou une rectocolite hémorragique.

  • Les personnes atteintes de la maladie de Crohn présentent généralement une diarrhée, des douleurs abdominales chroniques et une fatigue.
  • Les personnes atteintes de rectocolite hémorragique présentent en général des épisodes intermittents de douleurs abdominales et de diarrhées sanglantes.

Le Professeur David Laharie rappel que "dans les deux maladies, les personnes atteintes de diarrhée de longue durée peuvent perdre du poids et se trouver en situation de dénutrition".

Quelles sont les causes de ces pathologies ?

On ne connaît pas la cause de la maladie inflammatoire chronique de l’intestin, mais elle pourrait impliquer une anomalie de la réaction immunitaire aux bactéries de l’intestin normales chez les personnes qui ont une prédisposition génétique.

Focus : le groupe sanguin pourrait jouer un rôle protecteur face aux MICI

Une étude allemande parue dans la revue scientifique Nature Genetics semble indiquer que le groupe sanguin et la composition du microbiote seraient liés. Explications : Les groupes sanguins A, B, AB et O dépendent des sucres présents dans les globules rouges. Chez 8 personnes sur 10, ces sucres peuvent aussi être observés dans les sécrétions intestinales, la salive ou encore l’urine. Ils servent d’ailleurs d’énergies à certaines bactéries installées dans les intestins.

Or après avoir étudié le génome et les selles de près de 9000 volontaires, les chercheurs d’outre-Rhin ont découvert que le microbiote et le groupe sanguin sont liés par un gène. Par exemple, les bactéries Bactéroïdes, présentes dans les intestins, sont associées aux sucres des groupes A et B et offriraient une protection contre les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI).

"Nous avons trouvé cela particulièrement intéressant, car ce gène n'influence pas seulement les groupes sanguins, mais aussi les sécrétions corporelles, par exemple dans la muqueuse intestinale. On pourrait en conclure que les groupes sanguins A, B et AB, associés à un statut de sécréteur, sont potentiellement protecteurs contre les MICI, éventuellement en interaction avec cette bactérie", a expliqué Malte Rühlemann, auteur principal de l’article scientifique, à Sciences et Avenir. Les travaux des chercheurs allemands pourraient participer au développement de nouveaux traitements contre les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin. Toutefois, des recherches supplémentaires sont nécessaires.

Quels sont les facteurs de risques ?

Plusieurs facteurs de risque sont mis en cause, notamment des facteurs génétiques et environnementaux.

  • Rôle de l’environnement : Le fait que ces maladies aient explosé au XXᵉ siècle dans les pays occidentaux et que leur prévalence augmente maintenant très rapidement dans les pays en voie d’industrialisation est la preuve du poids des facteurs environnementaux. La pollution et notamment les microparticules ou encore les métaux lourds comme l’aluminium sont actuellement étudiés et pourraient avoir un rôle dans la survenue des MICI.
  • L’alimentation : aucun aliment, groupe d’aliments ou façon de cuisiner n’a pour le moment été associé.
  • Le tabagisme est par contre un facteur de risque avéré de la maladie de Crohn. Paradoxalement, il protège de la rectocolite hémorragique.
  • Le risque de MICI chez les personnes jeunes est associé à la consommation d'antibiotiques. Une étude parue le 9 janvier 2023 dans la revue en ligne Gut, une publication du British Medical Journal (BMJ), a par ailleurs établi un lien entre prise fréquente d'antibiotiques et MICI chez les personnes de plus de 40 ans. Le risque le plus important a été observé chez les personnes s’étant vu prescrire 5 types d’antibiotiques ou plus. Ce risque était supérieur de 69% chez les personnes âgées de 10 à 40 ans, il doublait chez les personnes de 40 à 60 ans et il était supérieur de 95 % chez les personnes de plus de 60 ans. Le risque le plus élevé de MICI était associé aux nitroimidazoles et aux fluoroquinolones, antibiotiques habituellement utilisés pour traiter les infections intestinales.

Focus : les antibiotiques, un facteur de risque de MICI

Une étude américaine, publiée en août 2020 dans The Lancet Gastroenterology & Hepatology, révèle que l'utilisation d'antibiotiques, et en particulier, d'antibiotiques à large spectre, peut être associée à un risque accru de maladie inflammatoire de l'intestin, notamment la colite ulcéreuse et la maladie de Crohn.

Les chercheurs du Karolinska Institutet en Suède et de la Harvard Medical School aux États-Unis ont étudiés près de 24 000 nouveaux patients atteints de MICI et les ont comparés à leurs frères et sœurs (soit 28 000 personnes) ainsi qu'à un groupe témoin composé de 117 000 individus.

Résultat : ceux qui avaient déjà utilisé des antibiotiques par le passé (comparé à ceux qui n'en prenaient jamais) avaient presque deux fois plus de risque de souffrir d'une maladie inflammatoire de l'intestin - après ajustement des autres facteurs de risque.

"Je pense que cela confirme ce que beaucoup d'entre nous soupçonnaient déjà - que les antibiotiques, qui affectent négativement le microbiote intestinal, sont un facteur de risque de MICI", souligne le Dr Long Nguyen, auteur principal de l'étude, qui officie au sein du Massachusetts General Hospital et de la Harvard Medical School, à Boston. "Pourtant [...] aucune enquête à l'échelle de la population n'avait été menée pour étayer cette hypothèse jusqu'à présent".

"Identifier les facteurs de risque des MICI est important, et notre objectif final est de prévenir la maladie, ajoute le professeur Jonas F. Ludvigsson, pédiatre à l'hôpital universitaire d'Örebro et professeur au département d'épidémiologie médicale et Biostatistique du Karolinska Institutet. "Notre étude apporte une autre pièce à ce puzzle et encore plus de raison d'éviter d'utiliser les antibiotiques inutilement".

Focus : le régime alimentaire occidental augmente les risques

Une étude menée par des chercheurs de la Washington University School of Medicine de Saint-Louis et de la Cleveland Clinic (États-Unis) révèle que le régime alimentaire de type “occidental” altère le système immunitaire intestinal. Par conséquent, il accroît le risque d'infections et de maladies inflammatoires de l'intestin.

L'alimentation occidentale se caractérise par une consommation plus importante de sucre, de graisses d'origine animale et de sel que nos ancêtres et par une plus faible consommation de fibres. Elle intègre des sucres, des céréales et des huiles raffinés et des aliments ultra-transformés.

Les récents travaux, qui ont porté sur 400 personnes et ont été publiés le 18 mai dans la revue Cell Host & Microbe, démontrent que ce type d'alimentation altère les cellules de Paneth, des cellules immunitaires de la muqueuse intestinale qui jouent un rôle dans le contrôle de l'inflammation. Ce qui peut être à l'origine du développement d'infections ou de maladies inflammatoires de l'intestin.

Quelles sont les personnes à risque ?

La maladie inflammatoire chronique de l’intestin :

  • Touche des personnes de tout âge mais :
    • En général avant l’âge de 30 ans, le plus souvent entre 14 et 24 ans ;
    • Quelques personnes ont leur première attaque entre 50 et 70 ans ;
    • 15 % des cas concernent des enfants ;
  • Les deux sexes sont également concernés par la MICI.
  • La MICI est plus fréquente chez les personnes vivant dans les pays industrialisés et notamment originaires d ’Europe du Nord et les Anglo-saxons.

Quelle est la durée de ces maladies ?

Les MICI sont des maladies chroniques qui évoluent constamment par poussées inflammatoires de durée et de fréquence très variables.

Ces poussées alternent avec des phases de rémission.

Est-ce contagieux ?

La maladie n’est pas contagieuse, mais il existe une constituante génétique qui est beaucoup plus élevée dans la maladie de Crohn que dans la rectocolite hémorragique.

Qui, quand consulter en cas de symptômes ?

Le médecin spécialiste des maladies Inflammatoires Chroniques de l’Intestin est le gastro-entérologue. C'est lui qui décide des examens à faire et des traitements. C'est lui aussi qui réalise les endoscopies (fibroscopie et coloscopie) qui permettent de faire le diagnostic de la maladie.

Quelles sont les complications ?

Parfois, la MICI peut toucher d’autres parties du corps, comme les articulations, les yeux, la bouche, le foie, la vésicule biliaire et la peau. La MICI accroît également le risque de cancer colorectal.

Quelle qualité de vie lorsqu'on souffre de MICI ?

Du fait des symptômes, ces maladies restent souvent taboues et impact considérablement la qualité de vie. C’est tout le quotidien qui est rythmé par les poussées et la gêne provoquée par les symptômes.

Souvent invisibles, les symptômes rendent difficile le quotidien. Ils entraînent souvent une fatigue importante et génèrent beaucoup de stress.

Existe t-il des solutions intermédiaires ?

Réponse du Professeur David Laharie :

"Pour aider les malades à mieux gérer leur fatigue et leur angoisse, des cours de sophrologie sont proposés".

Quels sont les examens et analyses en cas de symptômes ?

Lorsque des symptômes cliniques évoquent un MICI :

Un bilan biologique est réalisé afin de détecter :

  • Un syndrome inflammatoire (C-reactive protéine) ;
  • Des anticorps : les anticorps anti-Saccharomyces cerevisiæ (ASCA) et les anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA) ;
  • Des carences nutritionnelles ;
  • Un marqueur d’inflammation intestinale (calprotectine), dosé directement dans les selles.

Une endoscopie digestive est réalisé pour :

  • Permettre de rechercher la présence et la localisation de lésions du tube digestif ;
  • Effectuer des prélèvements.

Une nouvelle technique de dépistage moins invasive en cours de développement

La coloscopie, qui consiste à insérer une caméra dans le côlon, est un examen redouté par de nombreux patients. "De plus, tout le système intestinal doit être aussi vide que possible, ce qui vous oblige à prendre des laxatifs et à jeûner dans les jours précédant l'intervention", précise Josephina Smits, chercheuse au sein de l'iGEM Eindhoven. Sans compter que cet examen est assez onéreux pour le système de santé.

C'est pourquoi une équipe d'étudiants de l'iGEM travaille sur la mise au point d'une nouvelle méthode, baptisée IBDection, qui permettrait de détecter l'inflammation chronique de l'intestin grâce à une simple échographie. Plus agréable pour le patient, elle serait également moins chère que l'endoscopie.

Cette technique consiste à administrer au patient une gélule contenant des bactéries E. coli inoffensives, la veille de l'échographie. Ces bactéries ont été modifiées de manière à produire des petites bulles de gaz lorsqu'elles entrent en contact avec un marqueur de l'inflammation. Deux échographies successives sont ensuite réalisées et des ultrasons sont utilisés pour faire éclater les bulles dans les bactéries.

"En comparant les images des deux échographies, vous pouvez alors découvrir l'emplacement de l'inflammation", explique la chercheuse. Pour l'instant, cette méthode n'est pas encore testée sur les humains, ni les animaux, mais seulement dans un gel, en laboratoire.

Traitements des Maladies Inflammatoires Chroniques de l’Intestin et révolution des biothérapies

Bien qu’il n’existe pas de guérison de la MICI, les médicaments actuels permettent dans la grande majorité des cas contribuer à réduire l’inflammation et à soulager les symptômes de la MICI, pendant plusieurs années, et à maintenir une qualité de vie satisfaisante.

Traitements :

  • Selon les recommandations en vigueur, les traitements de référence de la maladie de Crohn sont :
    • Les corticoïdes (dont budésonide) par voie orale ou rectale ;
    • Les immunosuppresseurs de la classe des thiopurines : azathioprine ;
    • Les anticorps monoclonaux anti-TNF (médicaments issus de la biothérapie) : infliximab et adalimumab, en seconde intention après échec d'un traitement par corticoïde ou immunosuppresseur ou contre-indication de ces derniers ;
    • Le Védolizumab : qui est un anticorps monoclonal (anticorps synthétisé par un seul clone) ciblant une autre voie de l'inflammation intestinale ;
    • L’ustékinumab : est une option thérapeutique récente pour traiter les patients atteints de MC après échec des anti-TNF.

Le Professeur David Laharie précise : "le Védolizumab est disponible depuis 2014 et a fait ses preuves dans la MC et dans la RCH. Il est déjà très largement prescrit."

  • Selon les recommandations en vigueur, les traitements de référence de la RCH sont :
    • Les dérivés aminosalicylés, aux propriétés anti-inflammatoires : mésalazine, olsalazine, sulfalazine, para-aminosalicylate de sodium ;
    • Les corticoïdes (voie orale ou rectale) ;
    • L'azathioprine;
    • Les anti-TNF : adalimumab, infliximab, golimumab ; édolizumab
    • Le tofacitinib : traitement oral récemment disponible pour les malades en échec de biothérapie

Les corticoïdes sont quant à eux de moins en moins utilisés en raison de leurs effets secondaires à moyen et long terme.

Lorsque la maladie est évolutive, les médecins instaurent rapidement un traitement immunomodulateur, pour stopper les crises et éviter l’apparition de nouvelles lésions. Le recours à la chirurgie peut être envisagé lorsqu'il y a des complications ou lorsque la personne est très sévèrement touchée.

Alimentation

L'alimentation suscite de vifs intérêts. Même si certains affirment que des régimes alimentaires spécifiques ont contribué à améliorer leur MICI, notamment les régimes stricts à faible teneur en glucides, ces affirmations n’ont pas été confirmées dans le cadre d’études cliniques.

Dans l’ensemble, il est conseillé d’avoir une alimentation équilibrée, sans restriction.

Gestion du stress

Il arrive que les médecins recommandent des techniques de relaxation pour aider les patients à gérer le stress lié au fait d’avoir une maladie chronique douloureuse.

Comment prévenir ces maladies ?

Les MICI augmentent le risque de développer certaines infections et troubles à cause de la maladie sous-jacente, d’une mauvaise nutrition ou de l’utilisation de médicaments immuno-modulateurs. Les vaccinations, les tests diagnostiques et les dépistages peuvent contribuer à minimiser ce risque.

Sites d’informations et associations

World IBD Day

Association AFA Crohn

Journée Mondiale des MICI

Sources

INSERM : Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI)

MSD Manuals : Présentation de la Maladie inflammatoire chronique de l'intestin.

Antibiotic use and the development of inflammatory bowel disease: a national case-control study in Sweden, The Lancet, 17 août 2020. 

https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1931312821001803

https://medicalxpress.com/news/2021-09-method-intestinal-infections-camera-tract.html