COVID-19 : il est officiellement reconnu comme maladie professionnelle 

Mardi 15 septembre, le gouvernement a tranché : le coronavirus est officiellement reconnu comme maladie professionnelle. Mais cette reconnaissance ne sera pas automatique. Elle ne concerne que les soignants et intervenants auprès des personnes vulnérables et elle est soumise à de nombreuses restrictions : 

  • les soignants doivent avoir été touchés par le virus et avoir contracté une forme sévère de la maladie.
  • Ils doivent avoir nécessité une assistance ventilatoire, telle qu'une oxygénothérapie. Autrement dit une administration prolongée d'air enrichi en oxygène (plus de 15 heures par jour). 

Le cas des autres soignants et non-soignants doit être examiné par un comité de deux médecins, selon le ministère de la Santé.

Cette reconnaissance permet une prise en charge à 100 % des frais médicaux, mais aussi la perception d’indemnités. En cas de décès, les ayants droit peuvent également percevoir une rente.

Des conditions restrictives vivement critiquées 

Le nouveau décret ne fait pas l'unanimité : les syndicats, indignés, dénoncent un parcours trop laborieux pour les travailleurs concernés. 

Catherine Pinchaut, secrétaire nationale de la CFDT, critique ainsi violemment le texte, qui ne serait pas à la hauteur des promesses annoncées. "Contrairement aux engagements qui avaient été pris, il n’y a donc pas de reconnaissance automatique pour les soignants. On est absolument furieux, parce qu’il n’y a eu aucune évolution depuis le mois de juillet."

Le gouvernement pendant le confinement 

Reconnaître le COVID-19 comme maladie professionnelle a été plusieurs fois évoqué pendant le confinement. Le ministre de la Santé Olivier Véran avait assuré, le 23 mars 2020, lors d’un point presse que les soignants malades du COVID-19 bénéficieront "systématiquement et automatiquement" d'une reconnaissance de maladie professionnelle. 

Il a confirmé la position du gouvernement devant l'Assemblée le 21 avril 2020 lors des questions aux gouvernements. Par contre, il a précisé "Les autres catégories de travailleurs devront se soumettre aux procédures classiques".

De son côté, début avril, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a indiqué à la mission d'information de l'Assemblée nationale sur l'épidémie de Covid-19 : “je souhaite que le Covid-19 soit inscrit au tableau des maladies reconnues comme étant professionnelles". Il a ajouté vouloir que "le lien soit présumé" avec la pathologie pour les agents du ministère ayant été au contact du public pour des raisons professionnelles pendant la pandémie. Il a assuré avoir présenté une demande aux ministres concernés le 7 avril dernier.

L’Académie de médecine 

Dans un communiqué publié le 3 avril 2020, l’Académie de médecine préconisait que “les professionnels de santé” mais également “les personnels travaillant pour le fonctionnement indispensable du pays (alimentation, transports en commun, sécurité…), qui ont été exposés et ont subi des conséquences graves du fait de COVID-19” soient pris en charge au titre des maladies professionnelles dues à des virus.

Dans le même document, les experts rappelaient : “dans tous les secteurs, la responsabilité des employeurs est de protéger au mieux la santé de leurs employés, notamment en s’enquérant quotidiennement de leur état de santé, en affichant les consignes de prévention et en veillant à leur application”. 

Par ailleurs, en attendant la mise en place “d’un tableau de maladie professionnelle”, l’organisation recommande que les cas de maladies liées à une contamination professionnelle puissent être déclarés comme “affection imputable au service pour les agents de l’État et des collectivités” et “en accident du travail pour les autres”.

Les syndicats et associations

Depuis le début de l’épidémie de coronavirus, les syndicats réclament la reconnaissance du COVID-19 en maladie professionnelle. Par exemple, la CFDT demandait en mars que “toutes les situations de travail en présentiel puissent, en cas d’atteinte à la santé due au Covid 19, relever d’une imputabilité d’office à titre professionnel”. Elle plaidait également pour la création d’un “fonds” finançant la prise en charge des salariés touchés par la maladie. 

Le Covid-19 reconnu comme maladie professionnelle “automatique” seulement pour les soignants 

Interrogé par les députés lors de la session des questions aux gouvernements à l’Assemblée nationale le 21 avril, Olivier Véran a expliqué “S'agissant des soignants (...) nous avons décidé une reconnaissance automatique comme maladie professionnelle, avec indemnisation en cas d'incapacité temporaire ou permanente"

Cette mesure est prise pour tous les soignants “quels qu'ils soient” et “quel que soit leur lieu d'exercice”. C’est-à-dire :

  • le personnel médical travaillant à l'hôpital ;
  • les salariés des Ehpad ;
  • les professionnels de la santé en ville, notamment les libéraux.

Coronavirus et maladie professionnelle : et les autres catégories de travailleurs ?

Les professionnels de la santé ne sont pas les seuls à avoir poursuivi leurs activités pendant le confinement. Caissières, éboueurs, livreurs, force de l’ordre… de nombreux salariés ont continué à travailler afin d’assurer les services indispensables au bon fonctionnement de la France malgré l’épidémie du nouveau coronavirus.

Toutefois, si ces derniers contactent le COVID-19 pendant l’exercice de leurs fonctions, ils ne bénéficieront pas de la reconnaissance automatique en maladie professionnelle. En effet, lors de son annonce du 21 avril, le ministre de la Santé a, en effet, précisé "Les autres catégories de travailleurs devront se soumettre aux procédures classiques".

Une mesure du gouvernement fortement critiquée par les syndicats et les fédérations 

Coronavirus et maladie professionnelle : mécontentement des syndicats

Après l’annonce de la reconnaissance automatique de maladie professionnelle pour le personnel médical, mais pas les autres professions, plusieurs organisations ont fait part de leur mécontentement.

  • La FNATH (association des accidentés de la vie) et l'Association nationale des victimes de l'amiante dénoncent "Une indemnisation au rabais pour ceux qui ont risqué jusqu'à leur vie pour assurer à une population confinée une garantie de soin, d'alimentation et de livraison". Ils concluent “Après les éloges et les engagements du président de la République à propos de ces 'soldats de 1ère et 2e ligne', c'est une bien piètre reconnaissance que la Nation leur réserve".
  • L'UNSA Fonction publique qui représente les fonctionnaires, déplore aussi la position des autorités. Elle demande ainsi que "le dispositif de maladie professionnelle soit étendu à tous les agents engagés sur le terrain, dans les hôpitaux, auprès des Français, dans le cadre de leur mission". L’organisation ajoute "il paraît normal qu'un enseignant accueillant des élèves, qu'un policier procédant à un contrôle, qu'un hospitalier exerçant à l'hôpital puisse bénéficier des dispositifs liés aux maladies professionnelles dans la fonction publique".
  • De son côté, Force Ouvrière “revendique l’élargissement, au-delà des soignants, du dispositif de reconnaissance automatique en maladie professionnelle du Covid-19 pour tous les salariés exposés dans le cadre de leur activité”, notamment pour les “secteurs de la distribution, de la logistique, les éboueurs, les travailleurs sociaux, les postiers, les personnels de sécurité”.

Covid-19 et maladie professionnelle : le personnel des pompes funèbres réclame la même reconnaissance

Dans un courrier adressé au chef de l'État, les dirigeants du réseau de pompes funèbres indépendants le Choix Funéraire alertent sur le manque d’équipements de protection pour assurer leurs tâches en toute sécurité pendant l’épidémie du coronavirus. Ils écrivent “l'État a besoin de nous, mais personne ne veut le reconnaître”. Il assure que “la situation est désormais intenable dans les régions Nord, Est, Parisienne, Rhône-Alpes”, où ils sont “à court de masques, de lunettes, de gants”. “Dans huit jours, pour certains opérateurs, il ne sera plus possible d’exercer [cette] mission de service public”, préviennent-ils.

En plus de cette demande de matériel, les professionnels qui prennent entre autres en charge les personnes décédées du COVID-19, réclament au gouvernement de considérer cette pathologie venue de Chine comme une maladie professionnelle pour les salariés contaminés.

Covid-19 et maladie professionnelle : quid de la Fédération des pompiers de France ?

Une autre profession accepte mal la décision du gouvernement : les pompiers. Dans une lettre datée, la Fédération des pompiers de France réclamait la reconnaissance systématique du COVID-19 comme maladie professionnelle pour les soldats du feu qui contractent l’infection.

Le colonel Grégory Allione, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France avait alors expliqué "Nous intervenons aussi sur des cas suspects ou avérés de Covid-19, c'est-à-dire quelqu'un qui tousse, qui a de la température, nous intervenons sur toutes ces typologies de mission". Toutefois, leur plaidoyer n’a pas été entendu. Les pompiers ne bénéficieront pas de cette reconnaissance. Il en est de même pour les forces de l’ordre. 

Prise en charge du Covid-19 pour maladie professionnelle par la CPAM

Qu’est-ce qu’une maladie professionnelle ?

Une maladie est dite "professionnelle" lorsqu’elle est contractée par un salarié dans le cadre de son métier en raison d’une exposition à un risque physique, chimique, psychique, ou biologique.

Covid-19 inscrit dans les tableaux des maladies professionnelles de l’INRS ?

Les pathologies développées par les salariés sont reconnues comme maladies professionnelles si elles ont été contractées dans les conditions mentionnées dans les tableaux des maladies professionnelles publiés sur le site de l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS).

Chaque tableau précise les conditions à remplir :

  • le délai de prise en charge : c’est-à-dire le délai pendant lequel la pathologie doit être diagnostiquée ;
  • la durée d'exposition au risque ;
  • la liste de travaux effectués (liste indicative ou limitative).

Comme le Covid-19 est une nouvelle affection, il ne figure pas encore au tableau des maladies professionnelles. L'Académie de médecine a réclamé la mise au point de ce dernier “en analogie avec différents tableaux de maladies professionnelles liées à des agents infectieux (tableaux 80, 76, 56 ou 45)”. 

La Sécurité sociale précise sur son site internet “Quand il n’existe pas de tableau ou quand l’un des critères du tableau n’est pas rempli, il est néanmoins possible de faire reconnaître une maladie professionnelle au cas par cas.”

Concernant les professionnels de santé, la reconnaissance automatique du COVID-19 évite aux soignants d’avoir à effectuer des démarches. Par contre, les personnes ayant contracté le COVID-19 pendant l’exercice de leur métier mais qui n’évoluent pas dans l’univers médical, devront déposer un dossier pour que la pathologie soit reconnue comme maladie professionnelle.  

Coronavirus et salarié : comment déclarer votre maladie professionnelle ?

En cas de soucis de santé, que le médecin estime lié au travail, il faut demander la reconnaissance de l'origine professionnelle de la maladie. Il y a plusieurs étapes :

  • La déclaration à la caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM) : elle doit être effectuée dans les 15 jours suivant la cessation du travail grâce au formulaire disponible sur le site du service public puis envoyer à sa CPAM.
  • L’instruction : la CPAM a 3 mois pour étudier et statuer sur le caractère professionnel de la maladie. Le dossier est étudié par des médecins experts des pathologies d’origine professionnelle. Ces experts, qui composent le “comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles” (CRRMP), déterminent s’il y a un lien entre le travail et la pathologie. Leur avis s’impose à la caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM).
  • La décision : à la fin de l'instruction, la CPAM donne sa décision motivée au malade (ou aux ayants droit en cas de décès), ainsi qu'à l'employeur et au médecin traitant. Elle précisera les recours possibles si le caractère professionnel de la maladie n'est pas reconnu.

Quelles sont les conséquences de la reconnaissance du COVID-19 en maladie professionnelle

La reconnaissance d'une maladie professionnelle permet de bénéficier de: 

  • une prise en charge à 100% des frais médicaux du malade ;
  • une indemnisation journalière
  • une surveillance médicale spécifique.

Si le travailleur a été emporté par le COVID-19, ces ayants droits pourront également percevoir une rente (elle peut aller jusqu’à 85 % du salaire annuel de la victime). De plus, les frais funéraires du malade décédé sont pris en charge par la CPAM, à hauteur de 1 714 euros.

Covid-19 : quelle indemnisation du salarié en cas de maladie professionnelle reconnue par la CPAM ?

Les malades du COVID-19, dont la contamination est reconnue liée à leur métier, toucheront comme pour toutes les maladies professionnelles des indemnités journalières majorées par rapport à un simple arrêt maladie.

Le montant de ces compensations varie dans le temps :

  • Au cours des 28 premiers jours après l'arrêt de travail : elle est égale à 60% du salaire journalier de base (plafonné à 205,84 € au 1er janvier 2020).
  • À partir du 29e jour d'arrêt de travail : l'indemnité journalière atteint 80% du salaire journalier de base (maximum 274,46 € au 1er janvier 2020).
  • Au-delà de trois mois d'arrêt de travail : “votre indemnité journalière peut être revalorisée en cas d'augmentation générale des salaires” précise le site Ameli.fr.

Sources

Maladie professionnelle : votre prise en charge, Améli, 31 mars 2020

Maladie professionnelle : démarche à effectuer, service public, 9 octobre 2019

C’est officiel : le Covid est reconnu maladie professionnelle, Ouest France, 15 septembre 2020.

Une juste exigence : une reconnaissance élargie du Covid-19 comme maladie professionnelle, communiqué de l'UNSA-FP, 22 avril 2020

Reconnaître en maladie professionnelle le Covid-19 pour tous les salariés exposés dans le cadre de leur activité, communiqué de Force Ouvrière, 22 avril 2020

Covid-19 et santé au travail, communiqué de l’Académie nationale de Médecine, 3 avril 2020

COVID-19 – Quid de ceux qui travaillent ?, FNATH, 20 avril 2020

Voir plus